mardi 16 décembre 2008

Espérons qu'il neigera abondamment cet hiver. N'est-ce pas aussi votre souhait? La neige est si belle. Vous l'aimez aussi n'est-ce pas?

Robert Walser

dimanche 5 octobre 2008

-- Why don't you kill him?
-- Cause he's my friend.

(Billy de Kid à propos de Pat Garrett)

samedi 30 août 2008

Il n'y a pas de tempête ici. Ni de temps, ni de peste.

lundi 21 juillet 2008

Pourquoi les gens que l'on dit méchants, très durs, avec des rides, des vêtements et des yeux, sont-ils si formidables?
Il y a des gens qui savent découper ceux qui les empêchent d'être intelligents.
Il est difficile de comprendre ce qu'est une loi.
À toutes les fois que j'ai mal dans le nerf qui vise de travers, il est impératif qu'une mort se passe.
Et j'aime bien celui-là qui ne comprend pas pourquoi je le tue et me tue également à l'instant.

Bien aimer, j'aime bien, et les frémissements d'une mauvaise température me trompent à toutes les fois que les découpés m'échappent d'être intelligents, de travers, difficiles et tués.
Que c'est beau un costume rayé.

dimanche 13 juillet 2008

samedi 12 juillet 2008

"Tell him something pretty"
Al Swearengen (Deadwood)

jeudi 10 juillet 2008

Un ami cette semaine s'est suicidé, avec qui je jouais aux cartes. Cela ne vous regarde pas. C'est pour cela que je le dis. On ne comprend toujours tellement que rien de ce qui ne nous regarde pas.

jeudi 29 mai 2008

Hé! Ho! hi, hi! Qu'est-ce que c'est drôle! Est-ce qu'il y a quelqu'un qui comprend?

Y a-t-il quelqu'un ici? Mais non bien sûr, c'est sur l'internet, il n'y a donc personne! Je suis dans un sous-sol humide et il n'y a personne que mon chien. Et chacun sait que la virtualité est si pauvre qu'elle n'est même pas vraiment virtuelle.

Y at-t-il quelqu'un chez moi, dans mon sous-sol? Ça pourrait. Hé, hé! Et alors est-ce qu'il y a quelqu'un?

Bien sûr que non. La vraie vie aussi est si pauvre qu'elle n'est même pas vraiment virtuelle.

Quelle bande de cons nous faisons tous.

samedi 26 avril 2008

Dans la même veine:


I don't care what they say
I'm in love with you
They try to pull me away
But they don't know the truth

Leona Lewis

dimanche 20 avril 2008

Pourquoi donc, alors, serait-il inadmissible de mentir?
Ça c'est un problème important.
Mais ce qui est inadmissible, c'est de vouloir que ce ne soit pas un problème et de mentir néamoins tout en gesticulant plus lentement que des moulins mous.
Il y a des choses pratiques.
Cela commence à être de jour en jour beaucoup plus difficile à endurer.
Une chose est absolument inadmissible:

1) Il y a des gens qui mentent (ceci est admissible à la rigueur)

2) Il y a des gens qui pensent ne pas mentir lorsqu'ils mentent

mardi 1 avril 2008

Comme ça fait longtemps que je n'ai pas embêté ce site, voici une petite longueur:


L’histoire et le cinéma


Une idée circule depuis longtemps déjà selon laquelle il ne faudrait plus raconter d’histoires. C’est une idée qui domine à la fois dans les milieux avertis du cinéma et de la littérature, un peu, en fait, comme domine en peinture l’idée selon laquelle on ne peut plus faire de figuratif et, peut-être de manière analogue en musique également l’idée selon laquelle il ne faudrait plus faire de consonances. Ce qui m'intéresse d’abord ici, toutefois, c’est ce qui a trait à l’interdiction de raconter des histoires. Pourquoi cette interdiction? En vérité, personne ne le sait.

Le problème avec le cinéma, c’est qu’il vient assez tard, après que les autres arts aient atteint leur acmè et aient rencontré leurs limites, pour se permettre d’éventuellement les dépasser, mais cela est une autre histoire. Cette naissance tardive lui a donné pendant quelques temps le souffle de la jeunesse et, par la nouveauté qu’il apportait, lui a permis de faire un peu abstraction de tous les problèmes que rencontraient les autres arts, ou devrait-on dire, l’art en général. Toutefois, même si plusieurs se bercent encore d’illusion et refusent de s’en rendre compte, cette immunité infantile est maintenant épuisée. En vérité, elle l’est depuis longtemps et il faudrait sans doute même, pour être parfaitement juste, ajouter que plusieurs grands cinéastes, comprenant ce qu’avait de périlleux l’illusion de la nouveauté du cinéma, ont tout de suite fait du cinéma comme s’il existait depuis toujours et sans succomber à la naïveté artistique et historique de beaucoup d’autres. Ceci dit simplement pour faire voir que le problème actuel du cinéma ne lui est pas propre, mais l’a simplement rattrapé, comme il le devait inévitablement.

La figure sous laquelle ce problème le rattrape est celle des « histoires » qu’on ne devrait pas raconter. Or, l’histoire, c’est un problème de littérature. L’on devrait sans doute montrer que le cinéma est proche de la peinture et faire le lien avec celle-ci, mais comme le cinéma peut difficilement ne pas être figuratif, il lui faut en partie éviter le problème de la peinture, peut-être à tort, et n’a d’autre choix que de lier à cet égard son destin à celui de la littérature, qui de toute manière n’est pas vraiment différent de celui de la peinture, mais s’exprime simplement en d’autres termes. C’est donc à la suite de la littérature que le cinéma apprend qu’il ne peut raconter d’histoires. Mais de la sorte, c’est un peu un dogme qu’il répète, l’empruntant d’un autre domaine, sans trop savoir pourquoi. Ce mimétisme pourrait être jugé négativement, mais il serait sans conséquence si l’on pouvait faire retour vers la littérature et apprendre d’elle pourquoi l’on ne peut raconter d’histoires. Le fait est toutefois que la littérature n’en a pas non plus la moindre idée. En fait, pour les littérateurs, comme l’histoire est une structure, donc une forme, et puisque le sort de la littérature – et ceci est vrai de l’art en général – est depuis quelque temps interprété comme la destruction des formes, l’histoire est la forme qu’il faut détruire avec les autres. En réalité, la littérature vient même à cet égard derrière la poésie où l’on s’était libéré des formes imposées du point de vue du rythme et du son qui devaient suivrent un certain ordre. Lorsque l’on raconte une histoire, l’on doit suivre aussi un certain ordre afin de lui donner un tour véridique. Cet ordre, on a voulu s’en libérer, comme la poésie s’est libérée de ses ordres, et l’on s’est mis à vouloir raconter des histoires dans le désordre pour éventuellement n’en plus raconter du tout. La peinture, pour faire une petite digression, devait elle aussi suivre un ordre dans l’agencement de ses traits et de ses couleurs afin de rendre correctement ce qu’elle avait à figurer. Elle a brisé cet ordre et s’est ainsi libérée du réel. De même a fait la littérature qui s’est prise d’engouement pour le fantastique. L’essor du fantastique à partir du dix-huitième siècle s’origine dans l’effort de se libérer de tout ordre. Mais pourquoi l’art s’est-il donné soudain la tâche de se libérer de tout ordre? L’on pourrait ici tenter l’avenue facile qui consisterait à donner une interprétation socio-psychologique du phénomène en faisant un lien avec l’ambiance politique libératrice du dix-huitième siècle qui souhaite mettre à bas toutes les figures d’autorités qui ne sont là que pour endormir l’individu afin de mieux usurper son droit à l’auto-détermination. Que l’on pense à Louis XIV qui voulait déjà imposer l’ordre esthétiquement afin que tous soient quotidiennement pénétrés par la mesure comprise comme soumission. Mais cela serait beaucoup trop court. La question n’est pas politique ici, du moins pas en ce sens restreint.

Il y a en fait deux raisons possibles pour lesquelles on a voulu en art se libérer de l’ordre préexistant. La première n’est sans doute pas propre à la modernité, puisqu’elle exprime tout simplement le plus propre de l’art, la seconde par contre est, elle, propre à la modernité et donne lieu au principal égarement depuis lequel nous ne semblons plus pouvoir trouver de route. Commençons par articuler la seconde. Elle répond à deux instigations : le culte chrétien de la personnalité et l’arrogance subjective de la modernité. Ces deux moteurs ont donné lieu à la formation de l’idée de l’artiste comme génie. Le génie est la personnalité unique qui nous montre par son travail qui coule de source depuis sa plus intime individualité que cette individualité sienne est bel et bien unique et incomparable. L’instrument qui permet au génie de montrer qu’il est unique est la forme qu’il peut briser. La forme en ce qu’elle a de plus superficiel et de plus aisément repérable offre, lorsqu’on la brise ou l’invertit, la possibilité de montrer à tous le plus rapidement, le plus simplement et de la manière la plus frappante, que l’on est incomparable. Un grand artiste ou un génie est de la sorte celui qui se trouve une voix « propre », celui qui nous montre « sa » vision des choses, celui qui justement a une vision « unique », celui qui offre en outre par son comportement excentrique, la preuve de son irréductibilité à toute norme, la preuve de sa plus irréfragable individualité. L’œuvre n’est ainsi qu’une preuve de la qualité de l’individu qui la produit et la « qualité » de celui-ci se mesure négativement, en cela qu’il n’est comparable à aucun autre : s’il se trouve quelqu’un qui lui ressemble d’une façon ou d’une autre, s’il se trouve une tradition quelconque à laquelle il peut être rattaché, s’il n’est pas pure nouveauté, cette qualité en est par le fait même réduite.

Cette manière que l’on a d’apprécier les génies est des plus communes aujourd’hui. Le fait est cependant qu’elle est incohérente. Si le génie est génial à cause de ce qu’il a d’absolument propre, à cause du fait précisément qu’il ne le partage avec personne, son génie n’est-il pas dès lors évidemment impartageable, c’est-à-dire incapable de parler à qui que ce soit? Or, le génie dans l’art, c’est celui qui est sensé nous parler le mieux et nous pénétrer avec la plus grande force. Le génie ne pourrait nous toucher si ce qui le définit est l’unicité et l’individualité de l’absolument impartageable. Le génie, en tant que personnalité pure et individu à nul autre pareil ne peut devenir de la sorte qu’une curiosité qui, comme toute rareté, aussi insignifiante soit-elle, trouve moulte collectionneurs pour les ranger dans des tiroirs, espérant, tout étourdis par les lois de l’offre et de la demande, qu’un jour, l’unicité de cette rareté et le lustre du secret qui l’accompagne leur donnera de l’importance. Mais ce statut de curiosité, comme on le remarque sans doute, ne remplit pas cette attente d’ « éloquence » bouleversante que l’on entretient envers l’artiste. J’en viens de la sorte à la première raison dont j’ai différé la présentation.

En vérité, ce que l’on attend d’un artiste, c’est qu’il ait quelque chose à nous dire. Qu’un artiste soit une créature particulière, cela ne nous intéresse, malgré tout ce que l’on en peut croire -- et l’on en croit beaucoup --, pas le moindrement du monde. La preuve en est que nous ne sommes pas intéressés par des être bêtes comme pas un (qui remplissent les critères de l’absolue individualité). Si c’est l’incomparable qui nous intéresse, si ce qui nous attire est la stricte et irréductible individualité, l’individualité la plus « originale », l’incomparable bêtise devrait nous intéresser au plus au point. Peut-être un avocat du diable trouvera-t-il le moyen de rappeler que les plus bêtes peuvent certes nous intéresser à certains titres, et il aura raison, car ils peuvent même, entre autre, nous intéresser précisément à titre de curiosités, mais ils ne nous intéressent pas au même titre qu’un artiste. Les artistes nous touchent, dit-on fréquemment; je disais tout juste qu’ils doivent avoir quelque chose à nous dire; souvent quand on parle d’un grand artiste et d’une de ses œuvres on dit comment elle nous a transformé, comment elle nous a appris à voir autrement et nous sous-entendons par là « voir de manière plus riche », « plus totale »; confrontés à une grande œuvre nous disons « comme c’est vrai » et non pas « quelle curiosité ». Ce sont les acheteurs qui s’émoustillent de curiosités, non les spectateurs. Je disais donc que l’on en vient à la première raison pour laquelle l’art devrait se libérer de l’ordre préétabli. J’avais affirmé précédemment que cette raison sans doute était inséparable de l’art lui-même. En fait, ce qu’il faut voir, c’est que si l’art doit pouvoir nous parler, il doit d’abord se faire entendre. L’on pourrait même dire que le propre de l’art véritable est tout simplement de réussir à faire entendre et voir réellement. Car c’est justement, et paradoxalement, le contraire qui se passe quotidiennement.

Il ne s’agit certes pas ici de parler d’une vision de quelque secret vaporeux mystiquement enfoui derrière la réalité communément visible. Non, il s’agit du plus simple, de l’étonnement devant le plus simple de nos vies, devant quoi tous les secrets sont superficiels, cet étrange, merveilleusement irréparable et déraisonnable fait de notre vie. Or, plutôtque d’affronter dans un éveil enthousiaste cette irrépressible étrangeté, tout ce qui se passe, tout ce qui se manifeste à nous dans sa nudité, est en général et quotidiennement ravalé et renvoyé à autre chose, dans une constante fuite de renvois et de suites qui, en maintenant l’attention sur ce qui, précisément, suit, permet de maintenir la course et de détourner l’attention, vers une suite toujours à nouveau fuyante. Dès que quelque chose d’étonnant nous apparaît, nous le renvoyons à quelque chose d’autre et ce renvoi, en réalité, le fait disparaître. Un phénomène nouveau et particulier est renvoyé à un ordre plus général, mais comme nous n’avons aucune notion claire du général, il est renvoyé à un ordre plus ou moins vague et présupposé dont nous nous servons en réalité plus comme poubelle obscure que nous le visons comme savoir authentiquement universel. Quand quelque chose nous apparaît et que nous disons « je sais ce que c’est, je sais ce que c’est », ce « savoir », n’est en réalité toujours qu’une réduction, qu’une minimisation. L’on dit alors, « c’est du déjà connu ». Mais du « déjà connu » comment? Ce qui est capital, c’est que ce « déjà connu » est en réalité une supercherie. Rien n’est, dans ce cas, déjà connu. C’est une prétention illégitime qui croit pouvoir subsumer un cas particulier sous une connaissance générale qu’elle posséderait. Mais cette prétention s’assoit en fait sur une connaissance vague du général qu’elle croit posséder et où elle peut enfouïr tout ce qu’elle veut, car le vague, par définition, ne saurait offrir de résistance et laisse indistinctement tout pénétrer en lui. Dans ce cas, il n’y a pas connaissance et possession du général sous lequel serait en toute lumière reconnu le nouveau particulier, il y a vague pressentiment de familiarité. Ce pressentiment de familiarité en tant que tel non questionné et mal fondé fait disparaître toute résistante étrangeté dans la boue indéfinie d’un souvenir familier qui n’a de général que l’indétermination.

C’est avec cette familiarité que nous touchons en fait au but, car c’est elle qui constitue le cœur du mouvement que nous tentons ici d’indiquer. Cette familiarité répond en fait à une volonté de tout s’approprier en surface afin de ne rien laisser d’étranger qui puisse nous bousculer par surprise, de tout éteindre en le réduisant à du « déjà connu » sans en réalité vouloir vraiment en rien connaître effectivement. Cette familiarité n’est même rien qui tienne lieu de piste que nous pourrions suivre pour mieux approcher les choses et les connaître, comme si par celle-ci nous couvions une relation étroite et fertile avec les choses. Non, c’est bien plutôt simplement une prétention vide et un renoncement que cette familiarité: ce n’est rien d’autre qu’une fumée vaporeuse soufflée par un point effrayé qui tisse à coups de renvois, dès que l’occasion de ce qui se présente lui est en est offerte, sa toile d’indétermination et de banalisation.

Si l’on veut que quelque chose se présente alors réellement et ne soit pas ainsi ravalé, il faut donc que cette chose n’offre aucune occasion de renvoi à du familier et même qu’elle y résiste avec une force considérable. Il faut qu’elle produise suffisamment d’étrangeté pour que ce soit celle-ci qui domine et empêche la réduction à la familiarité. Or, l’art offre la possibilité de briser les efforts d’obscurcissement de cette toile de familiarité. L’homme tisse quotidiennement son règne de familiarité et à cette fin il fait usage de son savoir, qui pourtant dans son principe vise le contraire. Mais si c’est le savoir qui fait de l’homme ce qu’il est, et s’il peut l’utiliser ainsi en faisant usage de connaissance « générales » pour briser tout étonnement, alors c’est l’art seul qui peut sauver le savoir. L’art consiste justement à offrir la possibilité de l’éveil. Si l’éveil, c’est l’ouverture des yeux et de la conscience après l’inconscience du sommeil, l’étonnement est l’éveil de celui qui ne dort pas. Grâce à la possibilité des renvois qui réduisent à la familiarité dans sa généralité obscure – qui n’a de générale au fond que le point auquel renvoie toute familiarité, à savoir celui qui veut se voir familier – l’homme peut n’être jamais éveillé en ce second sens. Mais si l’art nous touche, nous bouscule, nous fait parfois dire « que c’est vrai » et « que c’est beau », c’est précisément parce qu’il révèle, qu’il montre, qu’il éveille et fait voir en nous tirant de l’obscurité quotidienne. Musil écrit : « trouver beau quelque chose, c’est d’abord le trouver ».

Notons entre parenthèses que le mépris aujourd’hui affiché pour le général est une mécompréhension complète de l’effet de la familiarité. Le général est ce qu’il y a de plus étrange et l’on s’en aperçoit dès que l’on tente de le penser réellement. Je dis cela ici, sans aller plus loin, simplement parce que je ne veux pas que l’on me reproche de me contredire pour avoir critiqué la particularité du génie et ensuite défendu la particularité étonnante contre la familiarité du général. Le général qui parle entre l’artiste et le spectateur n’a rien à voir avec le vague du général familier. Le général du familier n’est pas une connaissance générale, comme je l’ai déjà dit, mais une supercherie qui renvoie toujours plus loin pour n’avoir pas à faire face. L’universel de la parole de l’artiste est celui d’une rencontre avec le « je suis ici, devant tout » dans une lucidité qui au lieu de se refuser est à gagner.

Toutefois, ce qu’il importe de saisir pour les besoins de l’argument présent, c’est que les renvois à la généralité familière ont le caractère d’une certaine contextualisation et qu’ainsi, celui qui voudra défaire cette toile de contextualisation toujours vague et qui permet de dissoudre tout catalyseur d’éveil et de reconduire à la quotidienne et aveugle besogne (qui ne consiste qu’à tisser la même toile de fuite), devra frapper d’une force capable de décontextualiser. Là est l’unique bât susceptible de blesser et d’être ainsi fertile. Le travail de l’art, s’il doit montrer à voir, doit décontextualiser. Voilà pourquoi il doit nécessairement se libérer de tout ordre préétabli, car toute répétition le rendrait silencieux. Toute répétition rend l’art silencieux, car ce qui est présenté est alors immédiatement renvoyé à du déjà connu et à ce titre, n’est même pas écouté. C’est pourquoi au départ, le fait de mettre un champs sur une toile nous le fait voir, alors qu’ensuite, une fois habitué au musée, le fait de produire une œuvre d’art dans la nature nous éveille à nouveau. La libération par rapport à l’ordre – que ce soit les lois de la métrique en poésie, de l’harmonie en musique, ou l’exigence de figuration en peinture et en sculpture – a malheureusement été comprise et acclamée comme l’œuvre d’une libération individuelle, celle du génie dont l’idiosyncrasie souveraine refuse de se soumettre à la tradition. Mais la raison pour laquelle certaines idiosyncrasies (étonnamment!) sont meilleures que d’autres, ce n’est pas qu’elles sont plus idiosyncrasiques, mais plus pénétrantes, plus universelles, mieux capables de nous faire sortir du vide d’une familiarité fuyante et fausse vers un regard clair sur le fait nu d’une vie particulièrement ouverte devant tout, fait, en tant qu’hommes, universellement partageable, mais jamais réductible et totalement étranger et étonnant.

Raconter des histoires a d’abord été le travail de ceux qui avaient la tâche d’éveiller les hommes à leur vie, vie qui se passe, qui devient, qui se termine, comme les histoires. La vie peut aussi par moment se concentrer dans un événement lourd qui lui donne du poids en la bousculant devant la mort et lui présente un choix qui doit se résoudre dans l’éveil. L’histoire racontée a souvent cette forme et c’est ainsi qu’elle donne la vie, car c’est de la sorte seulement qu’elle doit la donner, en l’élevant jusqu’à son enjeu. Raconter telle histoire particulièrement héroïque ou tragique, même si elle n’arrive pas à tout le monde, c’est nous réveiller tous et nous faire voir la vie en concentré, parce que large nous la perdons. La vie, lorsqu’elle est prise dans sa totalité est toujours une tragédie et elle est toujours héroïque. Parfois, dans ses longs dédales, elle se disperse certes, mais cela n’y change rien, ou plutôt, cela confère-t-il justement à l’art le rôle de restituer à la vie son cœur, qu’elle laisse parfois s’effriter. Néanmoins, raconter une histoire, ce peut aussi être une manière de faire suivre une carotte à celui qui veut occuper son esprit. En suivant chaque hoquet d’une aventure bondissante, emporté dans sa vague bruyante, l’on se leste de sa propre aventure, réelle, longue et incertaine. Alors tout ce qui apparaît dans l’aventure que l’on suit est traité de la même manière que ce que l’on dénonçait plus tôt : il est réduit à ce qui suit et s’échappe alors dans la suite qui fuit vers la fin et qui, dans le cas du cinéma se réduit au générique n’intéressant personne et devant lequel on se lève pour s’en aller dehors et faire autre chose. Rien ne nous reste. Rien ne nous a transformé. Nous avons suivi une histoire qui, elle, est parvenue à sa fin sans interruption. Nous l’avons suivie pour nous occuper. Elle a suivi son chemin jusqu’au néant et nous suivons le nôtre. N’est-ce pas la plus terrible des catastrophes que l’on puisse vouloir souvent que l’art nous permette un peu d’ « évasion »? L’histoire qui, longtemps après sa naissance a continué d’étonner par le simple fait qu’on la racontait est devenue aujourd’hui un agent de l’oubli. On ne peut comprendre cela et combattre cet oubli que si l’on sait que le rejet de l’histoire n’est pas une figure de l’expression individuelle d’un génie qui veut combattre des formes imposées, que si l’on comprend que ce génie lui-même n’est que la réduction du travail de l’artiste à un jeu vide et divertissant qui ne se nourrit lui-même que d’oubli. Cependant les hommes vivent des histoires, et s’il s’agit de leur montrer leur vie, ce qui veut toujours dire la changer, il faudra bien se faire une raison de l’histoire, mais pour cela, il faudra apprendre à créer les conditions d’un nouvel étonnement devant elle au lieu d’en attendre simplement la fin.

lundi 17 mars 2008

Ce n'est plus où ces temps-ci qu'il faut
Puisque beaucoup
Ce n'est pas la vie
Qui de neige en morceau
Dehors est devenu dur
Je ne sais où charmante
Qu'il faut rigolote
Ni regarder comment
Il y a eu beaucoup de neige dehors ces temps-ci qui est devenue dure en morceaux compacts

Il y a beaucoup de gens qui disent des choses charmantes et rigolotes

Ce n'est pas un défaut remarquez puisque ultimement c'est rendre la vie charmante et rigolote qu'il faut

Je ne sais juste plus où regarder ni comment

samedi 15 mars 2008

L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place.


Charles Baudelaire Les hiboux


Qu'est-ce que cela veut dire? Faut-il ne jamais changer de place? Faut-il ne pas s'étourdir d'ombres? Ou faut-il vouloir le châtiment?

jeudi 6 mars 2008

Demain je devrai me coucher tôt

Car j’ai beaucoup de choses à faire ces temps-ci

Il y a des choses qui attendent oui que je les fasse

Car demain je devrai

Je dois beaucoup de choses à ces temps-ci

C’est certain

Me coucher tôt

Il faut ne pas être trop fatigué quand on est levé le matin

Et la vie n’est pas très longue

Et vivre éveillé je dois

Pour répondre à toutes ces

Choses qui m’attendent

Et alors me coucher devient contradictoire

C’est là l’essentiel du problème

La vie est divisée par tous les bords


Couché demain

Je devrai l’essentiel

Et quand on est levé pour faire contradictoire

Beaucoup / C’est toujours de votre faute

Quand des choses trop fatigué

Trop fatiguées

C’est certain me coucher tôt / Qui m’attendent

Car j’ai beaucoup de vies divisées par tous les bords

Puisque toute vie d’une façon ou d’une autre

Tant que je suis là est divisible / Jusqu’à moi

Et divisible je suis noyé

Contrit d’opérations à faire

Entre toutes ces choses qui me divisent et m’intéressent à propos

Je suis d’une mathématique implacable

Et bien parmi des choses que je ne connais pas

Il faut mentir à toutes les fois qu’on peut.

mercredi 27 février 2008

Isabelle Boulay raconte à la télévision, comme elle chante souvent sur l'amour, qu'à 18 ans elle a eu une terrible peine de cette sorte ("la", dit-elle, de sa vie). Incapable de la supporter plus longtemps, l'idée lui vint d'aller voir un médecin. La médecin qui la reçoit lui dit alors: "Isabelle, ya juste une chose que je peux te dire, c'est qu'ya une chose ben importante, c'est de jamais en arriver à aimer quelqu'un d'autre plus qu'on s'aime soi-même".

Je... si...vous... les mots me manquent soudain. S'il vous plaît aidez-moi, appelez le 911, des pompiers, n'importe qui, envoyez-moi quelqu'un. Toutes les fibres de mon être se détachent une à une et se dispersent comme aspirées dans un sac de poussière.

jeudi 21 février 2008

À propos des nouvelles, dont nous avons parlé un peu il y a quelques temps: (Martin Heidegger, dans Être et temps)

Le se-projeter compréhensif du Dasein (existence humaine) est à chaque fois, en tant que factice, auprès d’un monde découvert. C’est en lui qu’il puise - de prime abord conformément à l’être explicité du On - ses possibilités. Cette explicitation du On, d’entrée du jeu, a restreint les possibilités choisissables à la sphère du bien connu, de l’accessible, du supportable, du convenable et du décent. Ce nivellement des possibilités de Dasein à la mesure de ce qui est de prime abord disponible au quotidien accomplit en même temps un aveuglement du possible comme tel. La quotidienneté médiocre de la préoccupation devient aveugle au possible et se satisfait auprès du simplement « réel ». Ce rassurement n’exclut pas, mais au contraire éveille un affairement multiple de la préoccupation. Dès lors, des possibilités positives nouvelles ne sont plus voulues, mais c’est le disponible qui, « tactiquement », est modifié de manière à ce que naisse l’illusion qu’il se passe quelque chose.

lundi 18 février 2008

Puisqu'il y a eu encore des meurtres dans une école, que c'est donc d'actualité et qu'il est bon de déplaire à ceux qui n'aiment pas lire long, car après tout je ne suis pas Radio-Canada:


Meurtres, Goth et Nihilisme

How can you just leave me standing
Lonely the world is so cold
Maybe I’m just too demanding
(When doves cry, Prince)

Je n’ai trouvé de repos
Que dans l’indifférence
(Désenchantée, Mylène Farmer)

Vous savez pourquoi on met un trait d’union à toi-même?
C’est pour l’autre.
[…]
Bienvenue, bienvenue ma plaie parfaite.
(Geneviève Desrosiers, Nombreux seront nos ennemis)


Il parait qu’il y a depuis quelque temps et en divers endroits des individus armés qui entrent dans les écoles et tirent au hasard sur d’autres individus. Ces événements étranges ébranlent beaucoup de gens. Pourquoi les écoles? Pourquoi cette haine aveugle? Pourquoi donc d’horribles malades s’attaquent-ils systématiquement aux écoles? Quel mal innommable les habitent pour qu’ils se jettent ainsi sur ce qui de loin les méritent le moins?

Il arrive que d’étranges phénomènes se produisent. Et lorsqu’il y a des phénomènes étranges, il faut leur trouver des causes. Et ce qu’il y a d’étrange dans ce qui se produit ces temps-ci c’est que des gens se mettent à tirer au hasard sur des gens d’école. Nous avons donc deux questions. Pourquoi tirer au hasard sur des gens et pourquoi tirer sur les écoles?

Commençons donc par les écoles puisque c’est là, me semble-t-il, contrairement aux apparences, l’impossibilité la moins difficile. Pourquoi donc des gens qui veulent tirer au hasard sur d’autres paraissent-ils s’attaquer presque systématiquement aux écoles? Mais à quoi voudriez-vous donc qu’ils s’attaquent? Si quelqu’un décide qu’il en est arrivé au point où il n’a plus rien d’autre à faire que de tirer sur des gens, c’est qu’il considère qu’il y a quelque chose de très grave qui se passe; et en tirant sur des gens il croit − de façon certes très confuse et sans grande adresse intellectuelle − régler ce problème qu’il perçoit ou du moins attirer l’attention des autres sur celui-ci. Par ailleurs, puisque c’est sur des humains qu’il tire, il est incontestable que ce sont les humains qui le dérangent ou qui d’une certaine manière sont cause du problème qui l’agite. Et un problème qui concerne les hommes, ou tout au moins un ou quelques-uns d’entre eux contre les autres, c’est un problème politique. Politique au sens fort, s’entend, c’est-à-dire ce qui concerne la vie des hommes entre eux, la construction de cette vie, et les conflits qu’elle implique. Or, si l’on y prête bien attention, l’on s’apercevra que le seul lieu qui pour nous soit encore authentiquement politique, c’est l’école.

C’est-à-dire que les hommes peuvent aujourd’hui facilement se cacher des autres hommes. La réalité politique est si fragmentée qu’un individu peut assez facilement vivre toute sa vie sans avoir à faire face à un individu qui pense de façon fondamentalement différente de lui. Sur Internet on découvre plein de gens qui pensent comme soi et l’on a l’impression que c’est là l’univers entier. Au travail on rencontre des gens qui ont plus ou moins fait les mêmes choix que nous, guidés par à peu près les mêmes conceptions, et dans nos cercles d’amitiés, nous fréquentons ceux qui ne nous rendront pas nos soirées de détentes insupportables par des idées qui nous dérangeraient. Non, en fait, l’école est le seul lieu où nous soyons forcés de vivre quotidiennement, d’être confrontés quotidiennement, de façon souvent conflictuelle et sans jamais pouvoir s’échapper, à des individus qui sont et qui vivent d’une manière qui nous est totalement étrangère. L’école est le seul lieu où des humains soient encore confrontés à d’autres humains qui ne sont pas exactement comme eux, du moins quant à l’essentiel. L’école est le seul lieu où nous soyons confrontés de façon nécessaire et constante à des différences radicales.

Toutefois, bien qu’une certaine faiblesse nous pousse de la sorte à nous entourer de clones de nous-mêmes pour ne pas avoir à être ébranlés de l’extérieur, il paraîtrait qu’en fait nous ne reconnaîtrions de vrai que ce qui est soumis également au regard des autres, et d’autres que l’on puisse authentiquement reconnaître comme tels. Ou en d’autres termes, nous ne reconnaîtrions de vrai que ce qui a une réalité politique. Nous pouvons trouver plusieurs exemples de cela : lorsqu’il nous arrive quelque chose, pour que cela devienne « vrai », nous voulons que d’autres le sachent, qu’ils y participent (qui n’a pas envie de retourner voir avec un autre un film qu’il a trouvé particulièrement significatif, ou de faire lire à un autre un livre capital); certains veulent passer à la télévision pour exister vraiment ou s’offrir en spectacle de quelque manière, et d’autres lorsqu’ils sont amoureux, comme on dit, veulent le crier sur tous les toits.

N’est-il pas normal, alors, que ceux qui veulent se révolter grandement contre le monde qui ne répond pas à leurs exigences, retournent au seul endroit où ils puissent trouver et confronter le regard d’authentiques « autres » qui se retrouvent ensemble de façon conflictuellement structurée, n’est-il pas normal qu’ils retournent à l’école pour se faire entendre?

S’il est toutefois raisonnable de voir en l’école la seule authentique agora que nous ayons, si l’on peut comprendre que dans un geste aveugle un individu égaré par maints côtés puisse trouver quelque raison qui le guide dans cette direction, il nous reste encore à voir ce que ces individus, lorsqu’ils sombrent dans la folie, pourraient avoir à porter à l’école comme revendications politiques. Quel peut donc être ce problème pour lequel ils veulent réparation ou sur lequel ils veulent éveiller l’attention?

Il est évident au premier abord que tirer sur des gens est un geste de violence et qu’un geste de violence est en général accompli par quelqu’un d’insatisfait qui souhaite réparer cette insatisfaction par cet acte violent. L’objet sur lequel est dirigé sa violence en outre devrait être celui qui de quelque manière peut réparer son insatisfaction. L’on s’attaque par exemple à un animal dans la forêt parce que l’on a faim : cet animal, lorsqu’on l’aura mangé aura assouvi notre faim; l’on s’attaque à quelqu’un qui nous insulte et nous humilie et lorsqu’il gît par terre écrasé sous nos coups, notre humiliation disparaît derrière la puissance que procure le sentiment d’être l’auteur de la sienne.

Ainsi, puisqu’il est assez manifeste que les gens qui entrent dans les écoles pour tirer au hasard sur ceux qui s’y trouvent ne nourrissent pas l’étrange projet de les manger, faudrait-il croire qu’ils ont quelque humiliation à réparer? C’est par ailleurs, lorsque l’on ne se contente pas de souligner leur évidente folie, l’explication que l’on sollicite le plus volontiers : ces fous sont d’anciens ou d’actuels rejets qui n’ont jamais su digérer leurs difficultés sociales adolescentes et qui viennent démesurément venger les humiliations qui les ont dévorés. Explication facile, qui a le douteux mérite d’être « psychologique », mais qui me paraît un peu banale. Raison pour laquelle je souhaiterais en considérer une autre.

Mais remarquons d’abord que ce sont souvent des représentants de ce que l’on appelle la culture « gothique » que l’on accuse de se jeter dans les écoles pour tirer au hasard sur des gens. Il faudrait donc commencer par expliquer ce qu’il y a de spécifique à cette culture gothique et voir ainsi s’il n’y aurait pas quelque élément susceptible de nous éclairer à l’égard du problème que nous cherchons. Soulignons immédiatement, toutefois, que le lien entre les Goths et les tueries dans les écoles ne mérite pas d’être fixé tel une évidence comme si le fait d’embrasser le « gothique » devrait nécessairement pousser quelqu’un à la tuerie. Fixer un tel lien serait très bête, mais il me semble néanmoins que le phénomène gothique est mû par une révolte qui, elle, est liée de façon intéressante à l’insatisfaction qui, emportée par la folie, peut égarer certains jusqu’à la tuerie (cela dit, il y a des liens partout qui peuvent amener les fous jusqu’à la tuerie!). C’est ce lien que je voudrais explorer, parce qu’il est possible qu’il puisse nous apprendre quelque chose sur nous tous, et certainement pas pour condamner des Goths. Examinons donc rapidement ce à quoi, du moins de l’extérieur, on croit pouvoir reconnaître des Goths. Bien sûr, et sans vouloir prétendre ici rendre compte de façon exhaustive des caractères « gothiques », l’on voit ses représentants souvent vêtus d’habits noirs qui ressemblent vaguement à ceux dans lesquels on verrait volontiers des sorcières. Ils sont maquillés de façon effrayante. L’on remarque aussi qu’ils ont une esthétique légèrement moyenâgeuse, sans doute à l’origine de l’appellation « gothique ». L’on sait qu’ils aiment bien certains films d’horreurs, qu’ils sont peut-être plus spécifiquement sensibles au raffinement des vampires, etc. Ainsi pourrions-nous dire, voilà qui est clair : ils ont des difficultés à se faire accepter de leurs camarades à l’école et affichent leur colère pour se montrer plus forts... Comment être plus efficace à cet égard qu’en prenant l’allure d’un monstre effrayant, d’un vampire avec des lèvres noires? Ils répondraient ainsi à l’humiliation par l’intimidation. Voilà l’explication de leur problème – pas tout à fait politique il est vrai puisque cela semble être une question qui mobilise uniquement le précieux « estime de soi » – et voilà ce qui explique toute leur violence. Mais encore là, j’oserais avancer qu’il est préférable lorsque l’on veut réfléchir convenablement, adage qui déplairait aux psychologues, de se méfier des explications banales.

Certes la colère et la réaction à l’exclusion peuvent justifier que l’on ait envie de se déguiser en monstres intimidants, mais pourquoi donc ce goût pour le Moyen-âge? N’est-il pas étrange en lui-même et ne doit-on pas s’en étonner? Il y a autant de monstres dans les sciences-fictions futuristes que dans les fantaisies moyenâgeuses. Mais si l’on y regarde de plus près, que représente donc le Moyen-âge de la façon la plus frappante dans l’esprit général? Il y a certes de la noirceur liée au Moyen-âge, ce qui fait toujours un peu peur, mais encore? Le Moyen-âge n’est-il pas l’expression, du moins pour les occidentaux, de l’esprit religieux : n’est-ce pas d’ailleurs précisément pour cette raison que les modernes, excités par leurs lumières et le progrès de la science, ont qualifié cette époque de noire et d’aveugle? N’est-ce pas l’époque où l’on consacrait cent ans et cent vies à ériger des monstres de pierre à la gloire de Dieu? Imaginons, nous bâtisseurs de supermarchés en tôle, ce qu’il fallait de foi, et de terreur et d’amour pour construire ces cathédrales que nous passons admirer quelques fois lorsque nous sommes en vacances.

D’accord me répondra-t-on, mais qu’est-ce que la religion a à voir avec les « Gothiques » et surtout, avec les meurtres au hasard dans les écoles? Et bien c’est qu’il me semble que la raison qui fait que de jeunes gens s’éprennent de l’esprit gothique a bien moins à voir avec la peine psychologique de ne pas être l’ami des chanceux qui sont dans l’équipe de hockey et des chanceuses qui s’habillent chez H&M, qu’avec la différence qui sépare notre époque de celle du Moyen-âge. Et cette différence réside dans ce que Weber a nommé, peut-être un peu maladroitement, le désenchantement du monde, c’est-à-dire la mort des religions, du lustre et de la puissance qu’elles apportaient à l’existence humaine et aux choses avec lesquelles les hommes entrent quotidiennement en contact.

Prenons garde toutefois, croire que les « gothiques » sont en manque de religion serait une autre banalité psychologique, car la religion n’est elle-même qu’une mauvaise réponse à un problème plus important, problème qui fut esquissé pour la première fois par le philosophe Friedrich Nietzsche et qu’il a lui-même nommé le nihilisme occidental. Pour le dire rapidement, le nihilisme est ce mouvement historique qui consiste, pour l’homme, à rejeter tout ce qui le fait souffrir. La vie le fait souffrir, alors il la rejette et la nie en la remplaçant par un paradis où un Dieu bienfaisant le noiera dans la béatitude. Puis ensuite ce paradis se fait attendre ou reste avare des preuves qui donneraient le courage de l’attendre. Le paradis fait donc aussi souffrir : il est alors nié à son tour et ainsi comme disait Nietzsche, nourri par le souffle négateur de l’homme, le désert croît.

Ce désert n’est pas l’absence de Dieu, Dieu lui-même n’a été sollicité que pour cacher ce désert, non, ce désert, c’est l’aveuglement de l’homme sur lui-même, c’est sa capacité de se ruiner lui-même et toute sa grandeur dans l’indifférence plate. Pourquoi l’indifférence? Nous l’avons dit, le nihilisme c’est la fuite qui nie et détruit tout ce qui le menace, tout ce qui lui fait peur : son moteur c’est la peur. Peur de quoi? La peur de souffrir. Tout ce qui fait souffrir est rejeté, nié, étouffé, anéanti. Mais comment ne plus souffrir (projet général – je le note en passant – de nos petits prêtres que sont les psychologues)? Il n’y qu’une seule façon de ne plus souffrir, c’est de se rendre insensible, c’est-à-dire indifférent à tout et ainsi inattaquable puisque tout nous indiffère et c’est comme ça qu’on sera enfin roi dans le désert qu’on aura construit autour de soi pour se protéger des obstacles. Ainsi, dans la fuite écervelée devant l’idée même d’une souffrance, l’esprit des hommes est pris par une crampe qui le fixe dans l’aveuglement de sa fuite et étouffe tout ce qui pour lui pourrait être important mis à par lui-même et la conservation de sa vie dans le confort et la sécurité de l’absence de souffrance.

Ne se pourrait-il pas que ce soit contre ça que peut-être même sans le savoir se révoltent les Gothiques, eux qui cultivent l’horreur et la souffrance, eux qui admirent les ombres obscures d’un Moyen-âge où des monstres étranges se seraient révoltés contre Dieu? C’est tout le contraire de l’indifférence plate des insensibles, cela : la confrontation monstrueuse des forces obscures et universelles. Il faudrait pour une fois mesurer tout ce qu’il y a de nostalgie du religieux et de dégoût pour l’absence d’enjeu, d’intensité, et pour l’étonnante mesquinerie de l’existence quotidienne actuelle, dans la sympathie gothique.

Notre monde serait devenu insignifiant et laid. Non laid comme une laideur effrayante de Gothique, comme une laideur expressive, mais de la laideur molle de la platitude, de la laideur qui ne s’intéresse à rien et qui n’intéresse personne, de la laideur qui ne soulève aucun enjeu de vie ou de mort, de la laideur qui va chez le chirurgien pour que son nez disparaisse parce que son profil trace une différence trop profonde avec le reste du visage, de la laideur qui veut que sa vie marquée sur sa peau disparaisse pour qu’elle puisse oublier la mort dans la même disparition, de la laideur qui frotte sa maison tous les jours avec du détergeant pour être sûre de n’y jamais trouver d’étrangers, même microscopiques, de la laideur qui fait la même chose avec les villes ou qui les fuit pour se réfugier dans les gazons verts, propres et uniformes de la banlieue.

Si le monde est devenu insignifiant, que l’on n’a plus l’impression d’y rien pouvoir faire d’important parce que tous les enjeux sont rabaissés à des alternatives débiles où les deux côtés sont inoffensifs, alors il est peut-être compréhensible que de jeunes gens se tournent vers les mythes du Moyen-âge et vers ses monstres émouvants.

Si le monde nous condamne à ne pouvoir poursuivre en lui aucun autre but que celui de se maintenir platement en vie dans l’absence de souffrance, rien d’autre donc que la simple et bête conservation de soi dans la sécurité (ce que vise toute aspiration au confort et ce que signifie ultimement toute utilité : ce qui résume actuellement, il est vrai, les impératifs mondiaux, mêmes écologiques), et qu’ainsi le monde empêtré dans son atavique ahurissement refuse d’entendre ces quelques-uns qui veulent qu’il se réveille et qui ragent de vivre avec force, saisissant que c’est en partie dans la souffrance que l’on peut rencontrer quelque chose de grand ou rencontrer grandement quelque chose, alors peut-être pouvons-nous comprendre que certains en viennent à vouloir bousculer le monde et peut-être pouvons-nous comprendre aussi que certains d’entre eux soient précisément gothiques.

Les gens qui vont tirer sur d’autres gens dans les écoles sont des fous. Ils comprennent mal ce qui les meut et réagissent de façon non seulement injuste, mais inefficace puisqu’ils saisissent imparfaitement l’objet et les raisons de leur rage, mais les fous, bien qu’ils ne comprennent pas tout, comme tout le monde comprennent au moins en partie quelque chose et la radicalité de leur crise peut ne pas être inutile pour les autres si ces derniers parviennent à comprendre comment cette folie, c’est le raidissement étroit, déplacé et hystérique d’une révolte raisonnable.

dimanche 17 février 2008

Je suis une image

Et quand vous ne me voyez pas c’est toujours de votre faute

Car j’ai beaucoup de choses à faire ces temps-ci
Dit-on

Même quand je passe inaperçu

samedi 16 février 2008

À 19 ans je pensais que j'étais capable d'écrire. Puis un jour je suis tombé sur une phrase en lisant un journal, le journal d'un écrivain que je regardais distraitement: je ne suis pas sûr et n'étais pas sûr alors non plus d'être terriblement intéressé par ces choses. C'était le journal de Kafka et cela ne me semblait pas en soi le rendre plus intéressant. Puis je suis tombé, comme je disais, sur cette phrase, isolée comme unique entrée d'une journée du journal:


Il regardait par la fenêtre.


Jusqu'à ce jour, c'est la seule phrase parfaite que j'aie jamais lue.

mercredi 13 février 2008

Il y a toutes sortes de choses autour de toi
Aux couleurs invisibles / Il parait qu’elles bougent
À leur vitesse/ Je ne suis pas sûr
Toutes les vitesses sont colorées/ Et J’ai peur de ne pas savoir
Distinguer les morceaux qui sortent de toi /
de ceux qui tournent rapidement à l’extérieur

Tu n’es pas un morceau
Et je ne vois rien autour de toi

Ce qui m’inquiète terriblement et me donne très mal aux yeux


Sorti du train après s’être ennuyé durant toutes les heures pendant lesquelles il n’avait pas dormi, l’homme qui revenait chez lui marcha sur le plancher plus ou moins propre de la gare qui ne lui semblait pas différente du soir où il était passé à travers elle pour sauter dans le train. Il marcha vite et glissa légèrement sur un peu d’eau qui traînait, ce qui, parce qu’il y avait là par hasard également un peu de poussière, par le glissement de la semelle de son soulier sur le plancher, en étendant l’eau sur la poussière, fit un peu de boue.

jeudi 7 février 2008

J’ai rude envie de gratter petit à petit le sol de la rue. Du soulier la semelle, me la frotter sur ce truc que je ne comprends pas et que l’on foule aux pieds décidément en l’appelant trottoir. Je ne le comprends pas, ce n’est pas dire que je comprendrais mieux l’herbe ou je ne sais quoi qu’il y aurait dessous s’il n’était là. Je veux frotter tout simplement pour voir, quitte à en perdre pied devant la lumière fluorescente et verte qui ouvre le passage aux piétons.

vendredi 1 février 2008

Dans le plat déposé sur la table devant lui, il découvrit d’abord une tranche du muscle d’un animal, un animal d’assez grande taille et poilu que l’on retrouve dans certaines forêts. À côté de cette tranche, une flaque de liquide composé sans doute en partie du sang de l’animal avait été artistement versée. Puis, occupant une partie de la moitié opposée du plat, de longs végétaux de couleur verte avaient été étendus avec soin les uns contre les autres, comme si l’on avait voulu leur donner l’aspect d’une sculpture pas trop compliquée.

Celui qui avait décidé, un peu impoliment il est vrai, de s’abstraire de la conversation à laquelle il était mêlé avec les trois individus qu’il avait joints à cette table, prit dans sa main gauche une fourchette qu’il enfonça dans la tranche sanglante présentée sur le plat, puis dans la main droite un couteau dentelé avec lequel il découpa un morceau de la viande pour le porter ensuite à sa bouche.

Il piqua avec la fourchette qu’il tenait dans la main droite ce morceau d’un animal qui gisait dans son plat et referma ses dents sur la chaire humide et détendue de la bête morte. En mâchant, il sentait entre sa langue et ses dents se détacher ce que l’on appelle les fibres des muscles. Il les sentait se défaire ces fibres qui elles-mêmes sont faites de cellules qu’il ne sentait pas. Mais son nez et sa tête étaient envahis des odeurs de l’animal haut et poilu que l’on peut apercevoir vivant dans les forêts. Les odeurs n’étaient pas douces et molles comme celles du poisson qu’il avait rencontré plus tôt, mais fortes et dures comme celles d’une bête qui pue et sue entre les arbres terreux et qui n’a plus d’eau que ce qu’elle peut porter avec son sang dans sa chair sèche loin de la mer nourricière. Lorsque celui qui voulait s’enfermer loin des conversations avec la bête morte mais saignante qui gisait dans son plat croquait dans un de ces muscles, tout en se donnant entre sa langue et son palais avec un étrange abandon qui tenait plus de la tendresse que du relâchement de la mort, tous les intérieurs de cette chair affichaient une tenue honorable et sauvage face à ce qui la pénétrait pour la défaire.

Devant cette viande qui sentait le sang de la bête sèche vivant esseulée et se frottant aux feuilles des arbres qui tombent et craquent par terre l’automne, il pensait qu’il était approprié qu’on l’ait fait brûler avec un feu soutenu par des morceaux de bois. Cela avait parfumé les morceaux de sa chair d’animal du goût des arbres contre lesquels et à l’ombre desquels elle avait dû gagner sa raideur, son poil et la noirceur de son sang.
Cela me semble beaucoup plus intéressant, et à maints égards, que ce dont on croit devoir parler en général dans les journaux. Et cela dit sans ironie aucune:
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-34141377@7-37,0.html

jeudi 31 janvier 2008

Qu'est-ce qu'une nouvelle?

Est-ce une nouveauté que la mort est partout et que derrière chaque coin de rue se cache un vent trop fort qui risque de faire tomber un arbre lourd sur nos toits ou sur nos têtes?

Est-ce une nouveauté que souvent le plus fort de ces vents, il est soufflé par les hommes?

Est-ce une nouveauté qu'il est soufflé souvent sans savoir pourquoi?

Et pourquoi de la nouveauté?

Est-ce pour oublier toujours plus fort ce qui n'est absolument pas nouveau: que nous allons tous mourir violemment et qu'avant cela nous aurons tous commis des fautes irréparables?

Allez, changez donc de chandail, couper vos cheveux et faites un peu d'ordre dans vos maisons, puisqu'il n'y a rien d'autre à faire.

Une vrai nouveauté, c'est étrange, c'est inusité, et ça ne passe pas à la télévision à 22h sous l'impulsion d'une voix mince qui ne veut que faire son travail. Une vraie nouveauté ça ne s'oublie pas. Et une vraie nouveauté, ça ne nous laisse pas passer à une nouvelle nouveauté dès la seconde suivante.

Et si la nouveauté c'était d'avoir le regard assez chaud pour ne pas vouloir passer à quelque chose d'autre et si c'était aimer assez la lumière pour souhaiter brûler avec elle plutôt que d'oublier?

Alors il y aurait des feux partout et ça ce serait neuf.

dimanche 27 janvier 2008


Il fait ce matin un soleil étonnant. Ce n’est pas qu’il soit très chaud, non, au contraire, c’est même plutôt parce qu’il est délicat. Son éclat pénètre partout, oui, sauf bien sûr dans quelques replis citadins, mais avec tact il n'impose que sa lumière, douce et transparente, sans oser étouffer le froid. Sans chaleur, le corps un peu tendu et frais, la lumière est pénétrante et plus révélatrice.



Ce n’est pas pour rien que la fille qui dans le froid lève le col de son manteau et le serre sur soi câlinement, l’œil gai et le pas vif, est plus belle que celle qui se vautre avachie dans le soleil cuisant.



Ce n’est pas parce que celle qui a froid appelle un mâle qui trouve ainsi prétexte à faire valoir sa vigueur qu’on la trouve belle. Elle est belle parce qu’elle est vraie et vive et qu’elle rend tout vivant autour d’elle avec sa grâce dans la résistance. La béatitude, elle, n’est qu’une mauvaise mort.


vendredi 25 janvier 2008

In the end all mastery is a masterful cry.

mardi 22 janvier 2008

Et puis à l'instant j'ai une petite envie de dire des choses qui vont déplaire à beaucoup de gens.

Et le plus amusant c'est que je déplairai sans doute à d'autres que ceux que l'on croit. Mais comme je dis toujours, les gens, il faudrait s'en débarrasser le plus souvent possible.

Mais je me retiens.
Pour quelque temps.


Parce que des gens, quoi que l'on fasse, il y en a partout. Et beaucoup plus précisément là où on les attend le moins. N'est-ce pas? Oui, oui, entendez-vous, vous tous qui pensez être autorisés à pointer du doigt lorsque l'on parle des gens?

Je suis, pour ma part, le premier des gens. Et s'il vous plait présentez-vous Monsieur, vous dont la lame est si vive pour couper la tête de ceux qui sont déjà morts.
Avez-vous vu le soleil? Le soleil! Celui-là. L'avez-vous vu? Avec ses bubons explosifs? Je vous préviens, il n'a rien d'une plage.

Mais pour ceux qui savent comprendre, il y a, comment dire, quelque chose d'attachant dans toutes ces effusions.
Excusez-moi, je dois dire de mémoire puisque c'est parfois nécessaire. S'il y avait des inexactitudes intolérables, ceux qui voudront faire duel verront bien sûr sans les comprendre toutes les portes s'ouvrir jusqu'à moi. Alors Proust maintenant dans Sodome:

La règle chez l'homme, qui comporte des exceptions naturellement, est que les durs sont des faibles dont on n'a pas voulu et que les forts, se souciant peu que l'on veuille ou non d'eux, ont seuls cette douceur que le vulgaire prend pour de la faiblesse.

mercredi 16 janvier 2008


Ce matin s’est levé un soleil inexact
Toute résistance est inutile
La mer blondit
Et meurt
Au bout du vent

Sans constance


Rien ne nous reste
Et tout de même il faut tenir

On dirait la rue la pluie quand il pleut sur la rue
Oui je sais
Que les lumières dans l’eau se reflètent
Et montrent le ciel qui sous la rue se dédouble
Oui

Je ne bégayerai pas


Quelle heure est-il?
Il n’est pas d’heures en nos pays
Je vous en prie ne dites plus rien
Monsieur est mort pendant la nuit

mardi 15 janvier 2008

Peut-être faudrait-il arrêter un jour de ne pas comprendre que la violence est beaucoup plus douce qu'il n'y paraît.


À propos des Sopranos:

The sad clown
The happy wanderer
The strong silent type

Who is this about?
Et qui se bat contre qui?

samedi 12 janvier 2008





In a re dé im voilà fi
Je me suis réparé
Et ne me réparerai pas

Tous les contrastes aussi sont inutiles
Et il y a des rochers qui percent hors de l’eau
Et qui fascinent ceux qui font des tours
Autour de la terre

Je me suis voilà repris
et toutes mes dents feintes extravagances dehors

il pleut et le sang dans les globules ou l’inverse
il y a de la viande partout
lampadaires bulles des voitures immobiles et des accidents faim
il n’y aura pas de chemin clair
N’importe quand et tous les piétons importants
de répétitif et redondant en révolté

N’importe qui sera contraint un jour

Tous les morceaux
bien sûr il y a des morceaux partout – il ne faut pas en rire
les feux les plus anciens sont encore violents
même si des corps éteints sont couchés dessus

dans la pluie il y a toujours des couleurs
et dehors aussi

Mais si c’est drôle ou si c’est insuffisant
surtout le soir rire et répétitif tous les

Bonjour je m’appelle Madame…
Il est inutile de me présenter

N’importe qui un jour sera contraint de saccager les alentours

mardi 8 janvier 2008

Quand je vomis j’ai l’impression d’habiter dehors

Et je ne parle pas de moi bien sûr
Mais de tous ceux qui ont faim
Et qui éliminent plus vite qu’ils ne voudraient ce qu’ils avalent

Je comprends ce que je mange
Je comprends ce que je mange
Je comprends ce que je mange

Et s’il faut couper des fruits au couteau
Alors c’est toujours nu
Avec des murs des assiettes des comptoirs et des fenêtres impeccables
Je l'avais dit: de la boue noire. Regardez donc dehors! Et dire que personne jamais ne me croit.

samedi 5 janvier 2008


Wilde, dans Gray, pour faire suite à la discussion précédente:

There are only two kinds of people who are really fascinating -- people who know absolutely everything, and people who know absolutely nothing.

Et puis, juste pour le fun:

In the wild struggle for existence, we want to have something that endures, and so we fill our minds with rubbish and facts, in the silly hope of keeping our place. The thoroughly well informed man,–that is the modern ideal. And the mind of the thoroughly well informed man is a dreadful thing. It is like a bric-à-brac shop, all monsters and dust, and everything priced above its proper value.

Et puis vraiment, vraiment juste pour le plaisir:

They get up early, because they have so much to do, and go to bed early because they have so little to think about.

jeudi 3 janvier 2008

SANS TITRE


Et puis que dire de ces vomissures du 31 décembre à Radio-canada? Tous les rigolos ensemble qui se beurrent les uns sur les autres en traitant tous ceux qui n’habitent pas dans le Mile-End de demeurés.

Je ne suis pas sûr que le meilleur moyen, actuellement, de convaincre des gens qu’ils n’ont pas raison est de les traiter d’imbéciles. La majorité n’a plus peur du ridicule.

Mais pour les convaincre sérieusement, de toute façon, c’est sûr qu’on ne peut pas compter sur nos journalistes ou sur toute cette bande d’intellectuels autoproclamés et de zartistes pseudos qui pullulent, qui ont lu dans toute leur vie trois chapitres de livre (quand ils étaient jeunes), feuillettent à présent chaque année (pour pouvoir en parler) quelques pages d’un ouvrage de douzième ordre et qui pensent que des exemples de cinéma sérieux, c’est American beauty et Amélie Poulain tout en faisant semblant de trouver que Bruno Dumont c’est très intéressant.


Les intellectuels et les journalistes (même combat), ça chante bien plus faux qu’Alicia Keys! Et on ne peut certes pas espérer d'eux qu'ils soient un jour capables de convaincre raisonnablement qui que ce soit de quoi que soit, parce qu’ils comprennent encore moins ce qu’ils pensent que les méchants d’Hérouxville. Mais ça parait bien, dans le Mile-End, de rire des demeurés qui n’ont pas compris le World Beat et c’est tellement plus facile d’avoir l’air intelligent en riant avec tous ses amis de quelqu’un de gêné et maladroit que de se salir les mains un peu dans l’intelligence pour vrai et les vrais efforts qu’elle demande.


Nietzsche avait raison c’est sûr, qui disait quelque part qu’il n’y a rien de pire que de voir ses idées défendues par un imbécile. Amène-moi loin loin d’Hérouxville qu’ils chantaient les deux autres, tout remplis qu'ils sont de si haulte sapience. Non mais, ch’sais vraiment plus où aller moi.

mercredi 2 janvier 2008

Affinités électives

Avez-vous entendu le hit d'Alicia Keys qui tourne partout: "no one"? Elle fausse du début jusqu'à la fin. Pas une note de juste. C'est... c'est... plusieurs... voies de fait! Et tout le monde en redemande et ça rejoue et on aime ça. ????? Pourquoi? Il faut que quelqu'un m'explique. Les gens font semblant pour plaire à quelqu'un, pour ne pas décevoir un de leurs amis "malentendant" qui trouve ça bon, ou pour ne pas faire de peine à tous ces vendeurs de disques qui ont tellement de misère depuis que tout le monde download tout. La seule explication, c'est la pitié. Il n'y en a pas d'autre. C'est comme Simple plan avec leurs back vocals de Bon jovi. Tout le monde est soûl ou quoi? Mais s''il vous plait quelqu'un, sortez-moi de ce cauchemar.